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Nicolas Bacchus vitupère au Point (interview)

http://www.lartscene.com - Le 1 mars 2003
A l'automne dernier, Nicolas Bacchus quittait Toulouse pour gagner la capitale. Tel un Rastignac de la chanson, le voilà qu'il investit le Point Virgule tous les samedis de mars. Sans pour autant lâcher un "A nous deux Paris !", Bacchus se fraie son petit chemin et ce n'est pas volé !


L’art-scène : A l’automne dernier, tu es parti de Toulouse où tu devenais une figure locale pour venir t’installer à Paris. Pour quelles raisons ? Ca répond à des ambitions artistiques ?
Nicolas Bacchus : Ca répond surtout à des ambitions commerciales ! (rires) A Toulouse, les endroits où je devais jouer, j’y ai joué. Les gens qui devaient me voir m’ont vu. Paris est peuplé de gens qui pensent qu’il n’y a que Paris qui existe et qui n’en sortent jamais leur cul. Comme ils ne viendront pas me chercher et comme j’ai quand même envie qu’ils voient ce que je fais, c’est moi qui viens les chercher. Pour l’instant je suis producteur, attaché de presse, secrétaire, tourneur etc. Et musicien un petit peu aussi quand j’ai le temps… J’arrive donc au moment où je tourne trop pour m’en occuper bien seul, et pas assez pour que quelqu’un d’autre que moi puisse en vivre. Voilà les deux raisons principales : J’ai besoin de presse et de partenaires – entre autres professionnels. (rires)
L’art-scène : A Toulouse, tu as débuté dans des cafés, aux terrasses de cafés, dans la rue. C’est formateur comme expérience ?
N. Bacchus : Quand j’ai quitté définitivement mon boulot d’éducateur pour la musique, j’ai décidé de recommencer à zéro. La première année, je n’avais pas d’autres revenus que chanter, alors je faisais la manche dans la rue, puis je suis passé aux bistros. Des bistros aux petites salles, puis des petites salles à des salles un peu plus importantes… C’est pour cette raison que je dis que j’avais fait un petit peu le tour à Toulouse. Pour ce qui est de tourner en province, que je prenne mon billet de train depuis Toulouse ou depuis Paris, ça ne change pas grand chose pour ceux qui m’accueillent à Nantes, à Rennes, à Lyon ou ailleurs. Ce qui change, c’est mon implication dans la vie quotidienne de Toulouse, mais je commence à m’impliquer dans la vie parisienne de tous les jours… Donc pour moi ça ne change pas grand chose.


L’art-scène : Question bateau : La scène, est-ce l’essence de la chanson pour toi ?
N. Bacchus : Ma réponse va être bateau. Pourtant, il est vrai que la scène comme je l’ai apprise et je la conçois, est indispensable. C’est pour cette raison que mon deuxième album, Balades pour enfants Louches, est en public. En même temps, c’est peut être un tort de vouloir sortir un album de chansons inédites enregistré en public, parce que ça veut nouer deux choses qui n’ont rien à voir. Mais ce que l’album essaie de rendre, c’est l’idée que sur scène, il n’est pas question d’enchaîner les chansons de la manière dont elles ont été enregistrées sur le disque. Et de dire dans le spectacle « une chanson, » le nom de l’auteur et je passe… ça fait de l’effet quand on s’appelle Juliette Gréco et qu’on peut se le permettre.
Sur scène, certes je fais mes chansons, mais il y a aussi les baratins. Je dis « baratins, » ça sort naturellement, mais c’est mon mot pour dire « ce qu’il y a entre les chansons. » Dans mon spectacle, il y a d’un côté les chansons et d’un autre les baratins, mais ça n’est pas péjoratif. Si le public à un mec devant lui, il faut qu’il ait le mec en entier et pas ce qu’il a fait 12 fois 3 minutes et puis point. Ça ne m’intéresse pas, c’est réservé aux disques studio.


L’art-scène : A qui s’adresse tes chansons ?
N. Bacchus : Vu de l’extérieur, c’est difficile à définir. Pour des adeptes de la chanson française traditionnelle et poétique, c’est trop chansonnier et militant. Les endroits qui programment des chansonniers ne veulent pas de moi, parce que ça fait beaucoup trop chanson. D’autres pensent que je m’adresse à un public gay. Or pour moi il est très important de garder toutes ces différentes facettes et tous ces modes d’écriture. D’une part parce que je pense que c’est la même sensibilité qui nous fait réagir aux événements du monde – pour les chansons politiques - , et à nos événements intimes – pour les chansons d’amour ou les chansons cruelles. D’autre part, parce que le but n’est pas de jouer devant un public acquis. Il est facile de partir sur un répertoire militant pour se mettre tous les gauchistes de son côté, ou bien faire 3 chansons de pédé pour conquérir le public gay et passer dans Têtu… Le vrai but est d’amener les gens à écouter un peu plus que ce qu’ils auraient écouté si je n’étais pas venu leur chanter quelque chose.
Le but c’est d’aller remettre un petit coup de poil à gratter à un public que l’on pourrait considérer comme acquis. Les gens qui viennent me voir n’apprécient pas forcément tous de devoir remettre en cause la valeur « travail à tout prix » concernant l’attitude de la CGT après AZF par exemple. Le public gay n’est pas forcément à l’aise d’entendre un remise en cause du PACS disant que le PACS sert uniquement à rendre les homos un petit peu plus dans la norme. Donc, mon public c’est ceux qui acceptent de rigoler de leur voisin dans une chanson et que dans celle d’après il puissent se dire « tiens, là c’est de moi qu’on parle » sans se braquer et sortir de la salle. Il ne faut pas être exactement là où on nous attend.


L’art-scène : L’artiste a-t-il une responsabilité vis à vis de son public ?
N. Bacchus : Oui, on a une responsabilité. Et c’est pour ça que mes baratins ne sont pas improvisés du tout. Je ne peux pas me permettre de dire n’importe quoi lorsqu’il s’agit d’un sujet épineux. Il faut que ce que je dis soit un minimum travaillé.
Je ne me vois pas faire comme n’importe quel groupe de ska qui, porté par son succès crie « à bas les fachos » entre deux chansons. C’est improvisé certes parce que ça ne sera pas au même endroit dans chaque concert. Mais il n’empêche que ça sera primaire et que ça n’apporte pas grand chose.
Certains sont très à l’aise dans l’improvisation totale, comme Daniel Hélin ou Higelin. Mais personnellement, plus je connais mon texte et plus je connais exactement d’où je viens, où je vais, quelle est ma chute etc., plus ça me permet des digressions. Mais au moins, ce qui est écrit, je sais que j’y ai réfléchi et je sais ce que ça implique comme idées et sous-entendus.
L’art-scène : Depuis que tu as débuté la tournée de Balades pour enfants louches, tu as pas mal de dates (+ de 100 pas an je crois).
N. Bacchus : Je sors de chez moi avec ma guitare à peu près 100 fois pas an. Après, ça va de dates officielles, déclarées, payées correctement et reconnue en tant que musicien, à des soirées de soutien, des émissions de radio, des bistros, des squats où quand tu es payé avec un cornet de frites tu es content. Sur 100 dates, il y en a 45 déclarées et payées au SMIC. Sachant qu’il en faut 43 pour être intermittent, c’est juste tous les ans. Ça a été juste l’année dernière, mais si je continue comme ça avec ce qu’ils nous préparent, ça va être le RMI comme 60 à 70 % des futurs ex-intermittents comme cela est prévu… Profitons-en pour faire passer un petit message... (rires)


L’art-scène : C’est effectivement un vrai problème, mais au delà même des considérations pécuniaires, la connaissance de l’artiste voire sa reconnaissance ne passe-t-elle pas par ce « dur labeur pour les épinards » pour reprendre une expression de Sarclo ?
N. Bacchus : Chacun a un parcours singulier. Certains signent directement avec une grosse structure. D’autres galèrent pendant des années et arrivent sur le devant de la scène avec une vraie personnalité. D’autres galèrent tout le temps… (rires) Me concernant, ça a été cette voie de « dur labeur. » Et il est vrai que la reconnaissance d’un artiste passe par ça. Je pense, à l’évidence, que je serais plus fier d’arriver à quelque chose par ces moyens-là, parce que je pourrais me dire que j’y suis pour quelque chose, que je m’y suis investi…
L’art-scène : Pour revenir sur le nombre impressionnant de tes dates, n’y a-t-il pas une question de survie derrière, voire d’obligation ?
N. Bacchus : Il y a certes une nécessité vitale à se produire – faut que ça rentre – en même temps, je suis intermittent du spectacle. C’est quand même un confort qui permet de s’arrêter un mois ou deux pour chercher d’autres dates sans jouer, de survivre et de payer son loyer.
Mais je pense qu’au fond, la vraie nécessité est psychologique. Je m’aperçois que quand je tourne à fond, je me sens bien. Et lorsque je rentre chez moi et que je me dis qu’il y a devant moi un mois entier sans concert, juste à chercher des dates, je passe bien une semaine ou deux à ne rien foutre, à être au 36ème dessous.


L’art-scène : Tu es actuellement, à une période charnière de ta carrière, dans le sens où tu es de plus en plus sollicité. Tu es ton propre manager, tu fais toi-même ta promo, tu te déplaces partout en France. Ça fait une belle occupation. Ca laisse peu de temps pour la création ça ?
N. Bacchus : Il est certain qu’on ne peut pas tout faire en même temps. Ça fait un an et demi que je n’ai pas écrit de chanson, et visiblement, c’est parti pareil pour les 6 mois à venir parce qu’il y a la promo et une série de concerts très serrés. J’ai préparé le disque, puis le festival d’Avignon, puis mon déménagement à Paris, puis la remise en route à partir de zéro… Je risque de faire en plus le prochain festival d’Avignon, etc. Pendant ce temps, je n’écris pas. En même temps, ce que je viens vendre ici pour l’instant, c’est un spectacle dont je suis content et que peu de gens ont vu en fin de compte. Il a encore une vie.
L’art-scène : Tous les samedis de mars tu joues au Point Virgule à 17 heures. C’est ta première vraie scène parisienne ?
N. Bacchus : Non, mais c’est ma pr
 
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