RFI Musique

Chronique Album par Bertrand DICALE

RFI Musique - Le 24 janvier 2006
Nicolas Bacchus présente son nouvel album A table entre plaisirs et humeurs acides, pour un chanteur ennemi du consensus poli.
La chanson en France souffre parfois d’être un peu tiède, de ne pas oser les mots en rupture, les thèmes qui fâchent, la posture non consensuelle. Rien de cela avec Nicolas Bacchus : depuis son apparition il y a quelques années, il a prouvé combien il aime mettre les pieds dans le plat, combien il est encore possible d’être politiquement incorrect.
Ainsi, il est un des premiers chanteurs en France à aborder de front le quotidien de l’homosexualité, non dans le fantasme et l’outrance à la manière de Jean Guidoni, ni par le discours de tolérance et de droit à la différence qui fait de bien jolies chansons chez Michel Sardou, Charles Aznavour ou Lara Fabian. Chez lui, la question ne se pose même pas : il ne demande pas la permission d’être homosexuel et aborde son quotidien par l’angle du plus grand naturel. Ainsi, avec Dans les saunas, décrit-il un lieu de drague avec une ironie et un romantisme qui débarrassent la chanson de tout le soufre qu’on y aurait pu trouver.
Entre l’âcreté d’un Tachan et le sens du portrait d’un Bénabar, il dessine un univers singulier, fait de sentiments exagérés et d’étourdissements amoureux, de colères délicieuses (par exemple le merveilleux Peter Pan (J’veux pas être jeune) et d’énervements irrépressibles. Si l’on aime l’idée que tous les chanteurs doivent être gentils avec leurs confrères, on pourra être agacé par sa longue reprise du Petit âne gris d’Hugues Aufray, transformé en satires de Renaud, Charles Aznavour, Barbara, Vincent Delerm, Carla Bruni ou Jean-Jacques Goldman.
Mais il sait bien s’entourer : on trouve, au générique d’A table, Allain Leprest, Jehan Cayrecastel, Florent Vintrignier de la Rue Ketanou, Eric Toulis des Escrocs, le groupe Debout sur le Zinc et même un superbe duo avec Juliette (sur Enquête préliminaire, belle chanson romanesque). Beaucoup moins provocateur que sur un précédent disque encore très adolescent, Nicolas Bacchus a conservé une saine tension dans son regard sur le monde et ses contemporains, et dévoile ici un peu plus de fêlures et de douceurs. Mais il reste un chanteur à cran, ce qui de nos jours est salutaire.
Bertrand Dicale
http://www.rfimusique.com/musiquefr/articles/073/article_16002.asp
 
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