La Griffe (Rennes)

Interview

La Griffe (Rennes) - Le 26 janvier 2005
La première chanson?
Elle s'appelait "INTRO", j'avais fait un texte sur une musique de FONT et VAL pour me présenter, à l'époque où je commençais à jouer sérieusement dans les restos et bars de Toulouse (fin 95). C'était assez provoc et rentre dedans, genre Le steak de Maxime Le Forestier en plus trash : il s'agissait de dire aux gens bonsoir, faites pas attention à moi mais un peu quand même, prenez pas peur, je fais pas la manche, le patron me paye, que vous applaudissiez ou pas, je reste le même temps, si ça vous plaît pas, pas grave, c'est pas mes chansons (beaucoup de reprises à l'époque, de Renaud à Souchon en passant par Brassens, Font et Val, ou Brel). Ça mettait dans l'ambiance, et en fait ça incitait pas mal à écouter… j'ai gardé cette chanson longtemps, en l'adaptant aux lieux et conditions, je viens juste de l'abandonner pour le nouveau spectacle, … mais j'ai encore rien trouvé d'aussi efficace pour commencer !

Chansons homosexuelles, hétérosexuelles ou sexuelles ?
D'abord, c'est pas le seul thème, on parle aussi politique ou grosses blagues gratuites (jeux de mots, contraintes d'écritures…) Mais pour ce qui est de ce(s) thème(s), "sexuelles" j'aime bien, voire sensuelles j'espère, des fois. Après, homo ou hétéro, ça dépend des chansons. Il y a même un jeu pour que certaines soient "asexuelles", endossables par chacun quels que soient son sexe ou ses préférences, sans les contorsions d'une réécriture intime. Mais à un moment il faudra bien qu'on arrête de parler de "chansons homosexuelles", de même que personne ne dit qu'Aznavour fait des "chansons hétérosexuelles". Pourquoi ne parle-t-on de chanson d'amour que dans ce cas seulement ? On pourra me dire d'arrêter de gueuler quand une chanson d'amour sera prise comme telle, sans s'occuper de savoir à qui elle s'adresse. Mais c'est vrai qu'en même temps, tant que ce n'est pas gagné, c'est un de mes fonds de commerce !

La chanson française actuelle ?
Ben… vaste sujet, surtout que j'en écoute beaucoup. J'aime deux grandes catégories : les innovateurs, qui travaillent sur la forme et détournent les codes habituels de la chanson ou du spectacle, refondent tout, proposent vraiment du neuf et nous prennent dans un univers complet, sans référence obligée à l'extérieur, comme Néry, Loïc Lantoine, Gul de Boa. Et j'aime aussi (je pense en faire partie) l'autre côté de cette "nouvelle scène chanson", c'est-à-dire celui qui est tout… sauf nouveau, mais a-t-on besoin de faire "nouveau" à tout prix (comme dans la pub) ? Je veux dire qu'on est quelques-uns, très différents les uns des autres parfois, à se sentir dans une lignée de chanson, référencée, et à avoir été biberonnés dès le plus jeune âge aux incontournables (Brel, Brassens, Renaud, Barbara, etc.) Ce qui est intéressant c'est le mélange que ça fait en chacun et ce qu'on en ressort de personnel, avec les mots et les questions de l'époque (et quelques indémodables aussi, on l'espère). C'est pour ça que d'un côté je ne pense pas que cette famille-là (Bénabar, Delerm, Cherhal, Alexis HK, Bacchus…) révolutionne la chanson, mais elle la maintient au moins dans une actualité, ne la laisse pas vieillir et mourir. Bref, en gros c'est très consensuel ce que je dis là : y'a de la place pour tout le monde. M'énerve un peu d'être con, sensuel pas trop.

La dernière chanson écrite ?
J'écris pas beaucoup, mais là c'est deux le même jour : une comptine à calembours et jeux de rimes, et une chanson d'amour un peu cruelle, j'ai pas fini la musique d'ailleurs, faut que j'y retourne. Tout ça pour le nouveau spectacle qu'on joue un mois à Paris avant de le tourner un moment pour arriver bien rôdés en studio et enregistrer le 3ème album cet été. En fait il y a plus de chansons d'amour et moins de militantes dans ce spectacle, ce côté-là est plus dans les baratins théâtralisés entre les chansons, qui font une bonne partie du set. En fait c'est de plus en plus dur je trouve de faire une bonne chanson politique, vu le manque de culture politique et historique de pas mal de gens, et le repli sur des valeurs simplistes, communautaires ou religieuses. Du coup le temps d'expliquer dans quel contexte on est, de bien se faire comprendre sans ambiguïté, on est plus dans le format chanson, court et percutant. J'ai donc plus écrit ça en prose, ça fait aussi partie des derniers textes tout aussi importants pour moi dans l'équilibre du spectacle. On en reparle après le concert ?

Interview réalisée par François Dumay du célèbre groupe Les Pompistes
 
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