Mauvaise humeur

Total, Danone, bonnes causes et mauvaises raisons, par Nicolas Bacchus

Le 30 avril 2001

30 Avril 2001 - texte dit lors de l'émission "Faisons sa fête au travail" au Bijou (Toulouse)
Décembre 2001 - texte modifié après l'explosion de l'usine AZF le 21 Septembre

Une chanson des Malpolis, écrite avant l'explosion, disait : "L'économie est florissante / Grâce aux industries polluantes / Mais tant que ça fait du turbin / Tout l'monde applaudit des deux mains !" Et le pire c'est que ça marche encore, trois semaines après l'explosion, on croisait une délégation de la CGT qui allait réclamer la réouverture du site parce que "ça fait des empois." Ça nous pète à la gueule et on en redemande...
Ça m'a rappelé Danone, l'appel citoyen au boycott, les licenciements "inacceptables," les messages indignés de toutes part, vous avez oublié ? C'est normal, ça a huit mois…
Ce qui me gêne dans les deux cas, c'est le sentiment que chacun défend SES propres intérêts. Et quand ces intérêts particuliers croisent l'intérêt général, on a l'impression que c'est toujours fortuit, par hasard, en plus. Fermez une fabrique de yaourts, une centrale nucléaire pourrie, ou une usine qui pète, et regardez dans la rue : c'est les mêmes qui gueulent à l'emploi. Et là, l'intérêt général, il est où ?
Danone est soudain un infâme exploiteur, Total un vilain capitaliste? D'accord, mais est-ce qu'ils l'étaient vraiment moins tant qu'ils vous donnaient du boulot ?
Est-ce que c'est le seul moment pour s'en occuper ? Quand est-ce qu'on s'occupe d'éviter la FORMATION de ce genre de trusts ? Quand est-ce qu'on s'occupe un peu de ce qui ne nous regarde pas, avant que ça concerne NOTRE petit pays, NOTRE petit boulot, NOTRE petite santé, NOTRE petite assiette ?
Vous en avez pas marre, vous, de ces auto-apitoiements, qui succèdent d'ailleurs, comme si de rien n'était, au je m'en foutisme général ? Parce que, dans les licenciés de Danone, passés et à venir, dans les explosés de Toulouse et d'ailleurs, combien se soucient en temps normal des militants pour les sans papiers, combien se foutent de la peine de mort aux Etats Unis, combien se branlent de l'épidémie de SIDA en Afrique ?
On collabore en bossant les yeux fermés pour des salopards ? On accepte de faire n'importe quoi du moment qu'on bouffe ? OK, mais si le seul moyen de s'apercevoir du monde de merde dans lequel on vit est de se faire virer, alors TOUT LE MONDE A LA PORTE ! On pourra peut-être passer plus vite à autre chose.
Alors OK pour boycotter Danone, Total, et bien d'autres, mais j'ai autant de mal avec ceux qui défendent de bonnes causes pour de mauvaises raisons (comme ici), qu'avec ceux qui cautionnent des causes de merde avec de bonnes raisons de départ, ou de bons sentiments (tu te souviens, Balavoine sur le Paris Dakar, avec ses pompes à eau ?).
Trois questions (qui n'en font qu'une) pour finir :
Est-ce qu'on pourrait penser à ouvrir les yeux avant le moment où on va nous les crever ?
Est-ce qu'on pourrait penser à protester avant d'avoir peur pour soi ?
Ou alors, est-ce qu'il y aurait une loi des vases communicants disant qu'on ne peut ouvrir sa gueule que quand on chie dans son froc ?
Nicolas BACCHUS

 
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